Avis Trimestriel n°2013/003
(Juillet – Août – Septembre)
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Préambule
Les médias audiovisuels favorisent l’expression des idées et la circulation des informations. Les programmes qu’ils offrent s’adressent à un public diversifié, tant dans sa composition, ses origines que dans ses attentes.
Dans l’exécution de leurs missions, les médias audiovisuels doivent obéir à l’exigence de protection de l’intérêt public, de la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, mais ils doivent aussi et surtout rester attachés à la préservation des valeurs fondatrices et principes intangibles qui gouvernent notre vie en société et le caractère républicain de l’Etat du Sénégal.
L’obligation de veiller à la moralité, à la valeur éducative, informative de leur contenu, astreint les éditeurs audiovisuels à ne pas s’autoriser la programmation d’émissions dont l’impact est ou peut être négatif sur certains publics, non préparés à les recevoir.
La liberté d’expression ou d’opinion ne peut, en aucun cas, justifier la diffusion de propos, images, postures susceptibles de porter atteinte à la cohésion nationale, à l’intégrité du territoire et au respect des institutions républicaines.
La recherche d’audimat, dans un contexte économique difficile pour les médias, ne devrait pas servir de prétexte à un recours à outrance à la publicité, en violation de la réglementation en vigueur.
L’observation des programmes audiovisuels proposés par les éditeurs, durant le troisième trimestre de cette année, renseigne sur l’utilisation excessive, voire abusive, d’émissions publicitaires.
DYSFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS
Au cours de cette période, plusieurs dysfonctionnements et manquements ont été constatés.
1. L’absence de signalétique avant la diffusion d’images pouvant heurter la sensibilité du jeune public en particulier. Ainsi :
– l’image d’adolescents en situation de détresse, présentés à l’écran à visage découvert comme ce fut le cas de candidats malheureux au baccalauréat ;
– les images de personnes décédées, de blessés et de membres humains restés coincés sous les débris d’un véhicule, comme celles d’un accident de bus survenu sur la route de Mbour, qui ont été montrées au cours des journaux télévisés de Walfadjri et de la RTS, le 21 juillet 2013 ;
– le corps sans vie d’un nouveau-né abandonné dans un sac au garage Petersen, image diffusée dans le journal télévisé de la Sen-TV, le 15 août 2013 ;
– des personnes montrées à visage découvert portant de graves blessures infligées dans le cadre d’un litige foncier opposant deux villages de la région de Kaolack (Médina Baye et Ndiobène Gallo), dans le journal télévisé de Walfadjri, le 31 juillet 2013 ;
– des personnages tenant des propos salaces et licencieux, certains faisant usage de cigarettes et d’alcool, d’autres se livrant à la prostitution dans une maison close, dans le téléfilm « Maman Gentille » diffusé sur LCS le 11 septembre 2013 ;
– l’émission « Sen Kheweul », diffusé par Sen-TV le 18 septembre 2013 et qui montre deux présumés voleurs, tenant à chaque main des poules, que des personnes en tenue militaire obligent à danser tout en imitant les caquètements et battements d’ailes des volailles.
2. L’utilisation, sans l’encadrement pédagogique ou psychologique nécessaire, d’enfants et d’adolescents pour des compétitions télévisées à buts essentiellement publicitaires ou commerciaux.
3. L’atteinte à l’honneur, à la dignité et à la vie privée de citoyens dans certaines émissions, sans leur donner la possibilité d’y apporter une réplique. Ainsi :
– Maître El Hadji DIOUF, invité de l’émission « Sortie » de Walfadjri tenant des propos outrageants à l’encontre d’un de ses concurrents pour l’élection du président de l’ASC JARAAF, le 15 septembre 2013 ;
– un invité de l’émission « Ataya » de Walfadjri s’en prenant à l’ancien Premier Ministre, Monsieur Idrissa Seck, qu’il a traité de voleur, sur Walf TV, le 23 août 2013 ;
– les émissions « Teuss » de Zik Fm, « Xalass » de Rfm et « 100% People » de Sen Tv qui véhiculent des propos discourtois, voire outrageants, pouvant porter atteinte à l’honneur, à la dignité, à la vie privée de citoyens ;
– l’émission interactive« Wax sa xalaat » de Sud Fm, dans laquelle des propos discourtois et insultants sont proférés à l’endroit des institutions, d’acteurs de l’espace public et de citoyens.
4. L’intrusion de plus en plus marquée de la publicité commerciale illégale dans certaines émissions ou séries comme :
o LA GARGOTE sur TFM,
o RAMADAN DE NGAGNE sur RTS,
o NDOGOU-LI sur Walf-TV,
et à la diffusion d’émissions de téléachat en violation des principes qui les régissent. A titre illustratif :
o SEN KHEWEUL sur Sen-TV,
o TABALOU YAYE NGONE sur la TFM,
o RELAX TIME sur la LCS.
5. La diffusion, dans l’émission « Sunugal » de Sen-TV, d’un reportage au quartier général du MFDC, à Diabir (département de Ziguinchor), dans lequel Messieurs Abdou Elinkine DIATTA et Youssouph COLY, présentés respectivement comme porte-parole et combattant du MFDC, tiennent des propos séditieux, cela pendant 45 minutes.
RECOMMANDATIONS :
Face à de tels dysfonctionnements et manquements qui constituent une violation des dispositions des textes législatifs et réglementaires et des cahiers de charges en vigueur au Sénégal, dans le domaine de l’audiovisuel, le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel fait les recommandations ci-dessous.
1. Veiller à la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, à la protection des mineurs dans la programmation audiovisuelle.
Cette exigence légale, confortée par les stipulations des cahiers de charge des radios et télévisions va au-delà du respect de la signalétique. Elle concerne également la conception des programmes et la détermination des heures de diffusion des émissions. De plus, les enfants ne devraient pas se retrouver dans des compétitions qui ont un impact négatif sur leurs comportements et qui les soumettent à de fortes pressions psychologiques, préjudiciables à leur équilibre et à leur épanouissement. La satisfaction à l’obligation d’introduire la signalétique ne se confond pas à celle de programmer la diffusion de certaines émissions aux contenus sensibles en dehors des heures de grande audience.
2. Se conformer aux principes qui régissent la promotion des produits, marchandises et marques dans les programmes audiovisuels.
La publicité, le parrainage, le sponsoring relèvent de régimes différents qui en précisent la place dans les grilles de programmes des radios et télévisions.
Les médias audiovisuels devraient éviter la confusion de genres consistant à produire des émissions à cheval sur ces différents modes de promotion, en violation de la réglementation qui caractérise chacune des formes de présentation de produits et marques au public. A titre d’exemple, les émissions de téléachat ne doivent pas s’écarter des règles qui leur sont applicables et dont l’objectif principal est d’éviter qu’elles ne servent à détourner la réglementation concernant la publicité télévisée. En effet, dans les émissions de téléachat, interdiction est faite de mentionner la marque du produit, le fabricant, le distributeur et le prestataire de services. Il est impératif, pour les éditeurs audiovisuels, de se conformer à ce cadre légal et réglementaire.
3. Veiller à ne pas servir de tribune à la profération d’invectives et propos outrageants pouvant porter atteinte à l’honneur, à la respectabilité et à la dignité des personnes.
Certains dérapages dans les émissions de radio et de télévision exposent tant leurs auteurs à des poursuites judiciaires que les éditeurs qui offrent ces tribunes sans s’entourer des précautions nécessaires. A cet égard, les nombreuses rediffusions constituent un facteur particulièrement aggravant.
Les animateurs de ces émissions sont invités à ne pas céder à la surenchère, ni à encourager certaines dérives verbales.
4. Eviter la diffusion de propos séditieux pouvant constituer une menace à la cohésion nationale, à l’intégrité du territoire et à la stabilité des institutions de la République.
La liberté d’information et d’opinion ne confère, en aucun cas, le droit de servir de relais à des organisations et individus dont le discours promeut l’irrédentisme et la partition du territoire national. Le traitement de certaines informations requiert des professionnels des médias audiovisuels un sens élevé des principes constitutionnels qui fondent notre République.
Pour l’Assemblée du CNRA
Le Président
Babacar Touré