Les enfants, nos enfants sont les premiers consommateurs de l’offre médiatique. Probablement premiers bénéficiaires et premières victimes tout à la fois.
Nous devons protéger nos enfants. D’une part, nous devons rendre les programmes audiovisuels plus sûrement éducatifs. D’autre part, nous devons prendre en charge les multiples vulnérabilités qui caractérisent nos jeunes aujourd’hui.
Nos enfants sont exposés Monsieur le Président. Les services psychiatriques de nos hôpitaux publics nous apprennent qu’un nombre croissant de très jeunes enfants leur est amené, durablement déstructurés par la télévision. Nous devons agir.
Le CNRA a pris cette préoccupation et ce chantier à bras le corps depuis deux ans. Nous avons réuni, depuis octobre 2013, un panel divers et multidisciplinaire pour réfléchir et orienter le travail sur la protection du jeune public des divers écrans. Nous avons commandité un grand sondage national sur les usages et attitudes des mineurs devant la télévision. Vous pourrez trouver les résultats saillants de ce sondage dans le rapport 2014. Enfin, nous avons organisé des journées scientifiques sur le sujet. C’est là que neurochirurgiens, psychologues cliniciens et pédopsychiatres de l’hôpital Fann et de l’hôpital de Thiaroye nous ont démontré et documenté les cas de nourrissons d’un an, voire même six mois, précocement impactés par les écrans et le déficit d’encadrement de la consommation d’images.
Ils nous disent d’ores et déjà ce que sont les vulnérabilités et les dégâts neuropsychologiques sur les cerveaux en développement de 6 mois à l’adolescence. Mais, ce que nous ne savons pas, c’est l’impact de ces troubles sur les adultes qu’ils seront et sur leur futur comportement dans la société. Nos enfants ne devraient pas être réduits en laboratoires du pire.
Nous devons anticiper et les protéger. C’est le rôle de l’éducation. Le CNRA est à l’œuvre pour mettre en place un système de signalétique opérant. Techniquement, scientifiquement, légalement, professionnellement. Mais le chantier le plus important reste ouvert devant nous. Eduquer les familles aux médias, car c’est dans les esprits du premier cercle que nous devons édifier les remparts de protection des jeunes, la première ligne de front de cette bataille.
Parlant de l’enjeu vital de la culture, le champ de notre représentation sera-t-il labouré avec notre vision ou avec une vision louée à grand frais par des abonnements à des chaines payantes, tuyaux ouverts sur les robinets de contenus exogènes ?
En somme, Monsieur le Président, j’invite à la création et la mise sur pied d’un grand programme national d’éducation média. Aux médias, des médias, par les médias. Dans la société de l’information et du savoir, nous ne voulons pas que les Sénégalais, que la société sénégalaise, vive sous le seuil de pauvreté informationnelle et culturelle. Le secteur des médias, aujourd’hui numérique, est un enjeu économique. Il est d’abord et surtout un futur autour duquel nous devons bâtir les remparts de notre identité, de notre immunité et de notre force culturelle.
Face à cette nouvelle frontière et ce futur à défricher, il faudra certes légiférer et dans un esprit de bâtisseurs, mais il faudra surtout ouvrir et construire des espaces d’inclusion et de régulation.
Ultimement, il s’agit du Droit à la Communication. Comme on le disait dans les années 80… « Un monde, des voix multiples ». Il nous faut préserver ce droit. C’est une valeur. Il faut trouver les idées, les voies et moyens de donner corps et préserver cette utopie politique et sociale, à côté de l’utopie technologique déjà bien en marche.