PRÉAMBULE
La programmation des télévisions et radios sénégalaises obéit à un cadre défini par les lois régissant le secteur de l’audiovisuel et les cahiers des charges auxquels elles ont souscrit.
Aux termes des articles 7, 9 et 12 de la loi n° 2006-04 du 04 Janvier 2006 portant création du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, le CNRA veille au respect des dispositions qui prescrivent aux titulaires d’une autorisation de diffusion de programmes audiovisuels de satisfaire, entre autres, aux obligations suivantes :
- le respect de l’honneur et de la dignité de la personne humaine ;
- le respect des différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses ;
- la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence ;
- la conformité de la publicité à la réglementation en vigueur.
Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi n° 2006-04 du 04 janvier 2006, et après en avoir délibéré en sa séance du 16/10/2014, rend public le présent avis portant sur les dysfonctionnements relevés au cours du troisième trimestre de l’année 2014 dans les programmes des différents organes de communication audiovisuelle ainsi que les recommandations formulées pour y apporter des correctifs.
I/ DYSFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS
Au cours de ce trimestre, les dysfonctionnements constatés, à partir d’un échantillonnage des services de monitoring, ont trait aux cinq (5) faits ci-dessus énumérés.
1/ La diffusion, par les chaînes de télévision, d’images violentes et choquantes, notamment la mise en exergue de corps ensanglantés et de gros plans sur les dépouilles mortelles.
A titre illustratif, WALF TV, dans l’émission matinale « PETIT DEJ » du 02 septembre 2014, a exposé les images extrêmement violentes d’un Sénégalais tué au Maroc, gisant dans son sang.
La même chaîne a diffusé, dans diverses éditions des journaux télévisés du 28 septembre 2014, les images du corps d’un chauffeur de taxi de Kédougou traîné un peu partout dans la ville par des populations en furie, suite à une bavure ayant causé cette mort.
La diffusion de telles images contrevient aux stipulations de l’Article 21 du cahier des charges applicable au titulaire d’une autorisation de diffusion de programmes de télévision privée de droit sénégalais, selon lesquelles : « Le titulaire s’engage à ce qu’aucune émission qu’il diffuse ne porte atteinte à la dignité de la personne humaine » ;
2/ La persistance des dérapages et dérives lors des revues de presse.
Un journaliste, dans la revue de presse de WALF TV et WALF FM, en wolof, du lundi 1er septembre 2014, commentant l’article, « Ebola bouleverse la messe des cathos », à la Une du quotidien Grand Place, a comparé l’hostie à des bonbons.
Cette comparaison a heurté la sensibilité d’une partie importante des citoyens sénégalais pour qui l’hostie est d’une importance considérable, car elle représente le corps du Christ et, par conséquent, constitue le fondement de la foi chrétienne.
La diffusion de tels propos et de telles informations, pouvant porter atteinte à la paix sociale, constituent ainsi une violation de l’article 20 du cahier des charges selon lequel, le titulaire d’une autorisation de diffusion a l’obligation, dans ses programmes, de respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses des téléspectateurs.
3/ La profusion d’émissions et de programmes de divertissement, marqués par des danses obscènes et la diffusion d’images choquantes, à des heures indues et pouvant heurter la sensibilité des téléspectateurs, notamment du jeune public.
Rentrent dans cette catégorie de programmes, l’émission « KAAY BEGUE » de WALF TV diffusée les samedis à 21h, l’émission «100% BUZZ» de la SEN TV diffusée les samedis à 14h et rediffusée à 21h.
4/ Un regain de la publicité déguisée et informelle, envahissante et intempestive, par des journalistes et animateurs de la plupart des radios et télévisions, particulièrement la ZIK FM et la SEN TV.
De telles pratiques constituent une violation flagrante des termes de l’article 11 de la loi n° 83-20 du 28 janvier 1983 relative à la publicité et de l’article 22 des cahiers de charges applicables aux éditeurs de programmes audiovisuels.
Selon l’article 11 de la loi de 1983 : « la publicité doit pouvoir être clairement distinguée comme telle, quels que soient sa forme et le support utilisé » et que « lorsqu’elle est diffusée dans des médias qui comportent également des messages
rédactionnels, la publicité doit être présentée de telle sorte que le consommateur puisse la distinguer facilement de ces messages ».
S’agissant de l’article 22 des cahiers des charges, il précise: « Les messages publicitaires doivent être clairement annoncés comme tels ».
5/ La diffusion d’émissions interactives de voyance sur une longue durée par la télévision LCS et, ceci, sans indication des coûts des appels sur serveur et au détriment de l’orientation éducative, informationnelle ou de divertissement que doit poursuivre les télévisions.
De telles pratiques constituent une violation de l’article 12 du cahier des charges selon lequel : « le titulaire est tenu de respecter les termes de la décision d’assignation de fréquence de l’institution de régulation des télécommunications … ».
II/ RECOMMANDATIONS
Face à de tels manquements, qui constituent des violations des dispositions des textes législatifs et des cahiers des charges en vigueur au Sénégal dans le domaine de l’audiovisuel, le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel recommande :
- un traitement plus responsable de l’information relative aux dépouilles mortelles en évitant la diffusion d’images exhibant les corps ou la mise en évidence de scènes de violence extrême concernant des personnes ayant subi une atroce, conformément aux dispositions de l’article 9 de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 invitant au respect de la dignité de la personne humaine ;
- plus de rigueur, de concentration et de mesure dans la présentation des revues de presse pour éviter notamment de porter atteinte à l’équilibre et à la paix sociale ;
- l’arrêt de la programmation des émissions consacrées aux danses obscènes et diffusant des images choquantes à des heures de grande écoute sans pictogrammes. De tels programmes, conformément à la réglementation, ne peuvent être diffusés qu’après 22h30. De même, les bandes-annonces de ces programmes ne doivent ni comporter de scènes susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public ni être diffusées avant 20h30 ;
- le respect strict des dispositions de la loi n° 83-20 du 28 janvier 1983 relative à la publicité et des cahiers de charges applicables aux éditeurs de programmes audiovisuels ;
- une meilleure organisation et une rationalisation des plages horaires dédiées aux émissions de voyance, en respectant les dispositions relatives à l’obligation d’indication du coût des SMS et des appels sur serveur.
Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel accordera une attention particulière à la mise en œuvre effective de ces recommandations par tous les acteurs du secteur, en vue de corriger les manquements constatés et d’éviter qu’ils ne se reproduisent.
Pour l’Assemblée du CNRA
Le Président.