Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel a réuni une douzaine de responsables des programmes des télévisions du Sénégal le 19 avril dernier pour discuter, à bâtons rompus, sur un diagnostic des programmes offerts aux Sénégalais et pour se projeter dans les exigences de normes éthiques et techniques. Dix des 12 télévisions nationales en opération ont pris part à ce débat de haute facture. Il en ressort un besoin en formation continue des professionnels dans ce secteur en forte évolution et à fort impact sociétal.
C’est dans une atmosphère conviviale et professionnelle que les responsables des programmes des chaines de télévision du Sénégal se sont réunies le 19 avril dernier à l’invitation du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) pour une demi-journée de réflexion et échanges sur la qualité des contenus diffusés par les télévisions et sur leurs responsabilités.
Le thème de la rencontre était : « Invitation à une prospective sur les enjeux des contenus télévisuels ». L’objectif était de discuter de l’importance de la programmation et de la manière de l’améliorer notamment dans le nouveau contexte de passage au numérique. Entre autres points concrets, la rencontre a été l’opportunité de partager information et expérience sur
- les conditions d’opération, de programmation et de production des télévisions confrontées à des impératifs de rentabilité
- les besoins en formation des équipes techniques donc la démarche vers plus de professionnalisation
- la fonction de direction artistique si importante dans la qualité des images, du son, des décors, des maquillages et de bien d’autres choix
- l’implication des divers acteurs de l’industrie culturelle nationale tels que les acteurs, les publicitaires.
Pour illustration, ont-ils souligné, si des séries telles que Tundu Wundu ou encore Dinamanekh sont aujourd’hui reconnues, primées au Fespaco, achetées et diffusées sur la TNT, c’est bien parce que les producteurs de ces émissions respectent les normes techniques de la création audiovisuelle et investissent dans la professionnalisation de leurs équipes qui doivent négocier le virage numérique.
L’urgence de professionnaliser
Mais, ont-ils conclu, il ne s’agit pas des seules séries. Il s’agit bien de tous les contenus, qu’ils soient fiction, reportage ou publicité. La qualité et l’éthique, la responsabilité vis-à-vis de la société, est un impératif. L’impératif est encore plus vrai en ce qui concerne les jeunes enfants, l’image de la femme ou le pluralisme religieux que les contenus véhiculent.
C’est de façon consensuelle qu’ils ont déploré la pratique trop bien installée de production rapide de contenus qui « foulent au pied » la qualité, les valeurs et les sacrés de la société sénégalaise, allant jusqu’à diffuser des images indécentes, pornographiques, violentes, crues ou taboues simplement parce que la loi ne les interdit pas.
Cet échange entre pairs a été marqué par une franchise intellectuelle qui a débouché sur des recommandations fondamentales : le besoin d’un plan de formation pour les différents profils professionnels qui interviennent dans la production et la programmation : écriture de scénario, réalisation ; technique de son, de l’image…
Enfin, le groupe a discuté en profondeur l’obligation -pratiquement jamais respectée- de soumettre les productions, avant diffusion, à une commission de visionnage qui assume le rôle du juge interne de responsabilité et décide ce qui peut être montré à la société, aux jeunes. La question de l’adaptation du système de signalétique aux réalités sociétales sénégalaises a été abordée, sachant que c’est un chantier actuel du CNRA. Cette dernière partie de la discussion concluant au besoin de former et sensibiliser les responsables de contenus au cadre réglementaire que représente le cahier des charges fourni par le CNRA ou encore la formation à une meilleure lecture et maitrise des conventions que les télévisions signent et qu’eux, responsables de programme, doivent mettre en œuvre et surveiller.
L’importance des commissions de visionnage
Les participants ont reconnu que la télévision gagnerait à faire de la qualité, car l’enjeu aujourd’hui est de conquérir le marché international avec la transition vers le numérique. Ainsi, ils ont bien accueilli le rappel à instaurer des commissions de visionnage au sein des télévisions pour jouer le rôle de filtre. Certaines ont demandé un accompagnement pour mettre cette structure en place. Comme l’ont rappelé les officiels du CNRA « la commission de visionnage est une des dispositions de la loi contenue dans les cahiers de charges. Elle permet d’avoir une première appréciation sur les contenus avant diffusion. Ce n’est pas un vœu, mais plutôt une obligation pour les télévisions ».
Dix télévisions ont pris part à cette rencontre : la RTS, la 2STV, la TFM, la RDV, Touba TV, Al Mouridiya TV, Mourchid TV, Lamp Fall TV, la LCS et DTV. Deux chaines de télévision n’étaient pas représentées : Walf TV et SEN TV.
Les participants ont exhorté le CNRA à poursuivre le travail de création d’espace de rencontre, échange et conscientisation par rapport aux contenus diffusés, de meilleure appropriation des cahiers des charges, de professionnalisation de la chaine de valeurs de production de contenus audiovisuels. En bref, instaurer un dialogue permanent avec les télévisions.
Pour rappel, cette rencontre s’inscrit dans un processus que le CNRA a initié, en novembre 2015, comme une consultation prospective sur les enjeux des contenus télévisuels. Le processus a démarré lors de l’atelier sur le thème « Le défi de la qualité face à la tentation de la quantité », tenu les 4 et 5 novembre 2015, auquel avaient participé des représentants des télévisions, de studios de production et des artistes comédiens.
L’engouement et la participation avaient produit des idées sur les défis nouveaux, des ébauches de solutions aux difficultés, une série de recommandations et une procédure de suivi. Cette démarche permet de capitaliser les informations, statistiques et expériences dans le secteur audiovisuel et les divers secteurs qui interviennent dans l’industrie culturelle.
La prochaine étape dans ce processus est la tenue d’un atelier technique de formulation de normes de création et de production de contenus, à l’intention des réalisateurs, producteurs, responsables de programmes et acteurs, les 25 et 26 avril prochains.